Sheikh Tahnoon bin Zayed : le cerveau discret du nouvel ordre technologique des Emirats
Dans l’ombre du pouvoir, Sheikh Tahnoon trace une nouvelle trajectoire. L’IA, la cybersurveillance, la souveraineté financière : tout converge vers un État‑plateforme.

Sheikh Tahnoon bin Zayed al Nahyan, frère du président émirati, incarne une transformation radicale de l’État. Peu exposé médiatiquement, il détient pourtant les leviers du pouvoir stratégique. À la tête d’IHC, ADQ, ADIA et FAB, il concentre l’essentiel des flux financiers du pays, représentant près de 1,5 trillions $ d’actifs. Et son influence dépasse largement les frontières d’Abu Dhabi.
Son atout principal : faire converger technologies de rupture et stratégie d’État. G42, l'un des fers de lance émiratis de l’IA, reflète cette vision. Initialement lié à des technologies chinoises, le groupe a pivoté vers un partenariat majeur avec Microsoft, garantissant un accès souverain aux infrastructures cloud et aux capacités de calcul critiques. Cette manœuvre illustre un positionnement géopolitique finement calibré, entre ouverture occidentale et indépendance numérique.
La sécurité, elle, n’est jamais loin. Héritier des projets comme Raven ou Pegasus, Tahnoon a placé le renseignement au cœur de la gouvernance. Ciblages, cybersécurité, contrôle des données : le modèle d’Abu Dhabi devient celui d’un État-plateforme, où chaque infrastructure stratégique (technique ou financière) peut être mobilisée à des fins de stabilité ou d’influence.
Dans cette architecture, l’intelligence artificielle n’est pas une simple innovation : elle est une extension du pouvoir. Aleria, startup implantée à Abu Dhabi, en donne un exemple avec ses outils d’IA embarqués dans la gouvernance d’entreprise. Son système Aiden Insight assiste déjà des conseils d’administration comme celui de Multiply Group ou le board d'IHC. L’IA, ici, ne remplace pas l’humain : elle le bouscule, le complète, l’oriente. Elle devient codécideur.
Cette ambition se déploie aussi à l’international. Le fonds MGX, fondé avec un profil discret mais des moyens colossaux, vise des actifs stratégiques dans les semiconducteurs, le cloud et la biotechnologie. Tahnoon rencontre des figures majeures de la tech américaine. Il agit sans discours, sans effets d’annonce, mais avec constance : faire d’Abu Dhabi un centre de gravité techno-financier alternatif, aligné sur les puissances, mais autonome dans ses choix.
Plus qu’un homme d’affaires ou un stratège, Sheikh Tahnoon incarne une idée de l’État moderne : distribué, digitalisé, maîtrisé. Certains y verront un modèle autoritaire dopé à l’innovation. D’autres, un laboratoire d’avenir. Quoi qu’il en soit, le cœur de cette vision repose sur une trilogie : puissance de calcul, maîtrise des flux, contrôle de l’incertitude.